La simplicité est la sophistication suprême



Plus c'est technique, plus le besoin de simplicité est fort

Le produit, le process peuvent être sophistiqués, leur mode opératoire doit être évident pour l'utilisateur. Mais simple ne veut pas dire low-tech !

Voyez Google ! Le dépouillement de la page d'accueil du moteur de recherche illustre à merveille la phrase prêtée à Léonard de Vinci : "La simplicité est la sophistication suprême." Le moteur de recherche simplifie l'expérience que vous vivez. Son design n'a pas peur du vide : un rectangle blanc dans lequel vous tapez votre recherche. Et qui donne accès à l'immense et complexe réseau de bases de données de Google. "On vous épargne d'avoir à héberger des rangées volumineuses d'équipement informatique. L'expérience que vous vivez est simplifiée", analyse John Maeda, célèbre webdesigner du MIT. Résultat : Google, qui n'existait pas il y a douze ans, fait partie du quotidien de milliards d'utilisateurs.

"Pensez à l'approche tactile du Mac ou de l'iPhone : design épuré, manipulation intuitive... Ce sont des produits très complexes dans leurs technologies mais leur interface est simple, rappelle Danielle Rapoport, directrice de DRC (cabinet d'études spécialisé dans les modes de vie). Le consommateur a aujourd'hui besoin de se "défatiguer". Il a recours à des produits et des services qui lui désencombrent la tête. Les gens n'ont pas envie d'entrer dans la cuisine de la complexité des produits et des services." Au moment d'innover, l'entreprise doit cultiver l'anti-prise de tête dans la mise au point de son offre. "Il y aura toujours une petite frange de technophiles. Mais les gens veulent avant tout un résultat, et ne pas perdre du temps sur la manière d'y arriver, estime Pascale Dubouis, directrice marketing de Philips France. La nature nous donne la preuve que la vie est d'apparence simple mais que la complexité y est cachée. Pensons au fonctionnement du corps."

Planquer la complexité, faciliter l'accès et l'usage. La recette paraît simple. Alors pourquoi y a-t-il sur le marché tant de produits et de services aussi complexes ? "Dans les grandes entreprises, chacun veut mettre sa petite touche à l'innovation en cours, alors on empile pour ménager la susceptibilité de tel responsable", remarque Sophie Bertin, du cabinet Innovacorp. Il y a aussi une forme de paresse à garder une offre compliquée. Si les choses restent compliquées, c'est qu'on n'est pas allé au bout de la démarche.

Appropriation rapide

"Il faut se mettre à la place de l'utilisateur, travailler avec lui", explique Fabrice Guiraud, dont la société Simplistay a conçu un ordinateur utilisable par des personnes âgées atteintes d'arthrite, de maladie de Parkinson ou d'Alzheimer. Ce jeune lauréat du concours Lépine a travaillé deux ans en situation avec les patients et le personnel de santé pour mettre au point une machine que les malades puissent s'approprier pour garder le contact avec leurs proches (courriel, partage, photos, messages vidéo). "L'iPhone, vous pouvez en apprendre l'usage en quelques minutes. Mais quand l'utilisateur est atteint de la maladie d'Alzheimer, il doit comprendre en seulement quelques secondes comment se servir de la machine parce qu'il aura oublié la fois suivante."

A l'autre bout de la vie, les jeunes ont, eux aussi, faim de produits high-tech simplissimes. "Ils préfèrent les outils que l'on peut utiliser tout de suite", remarque un responsable marketing de Cisco. Aux Etats-Unis, le succès de la "flip cam" est vertigineux : en deux ans, cette caméra numérique de poche, conçue pour envoyer des vidéos sur les sites de réseaux sociaux (Facebook, YouTube and co) s'est arrogé une part de marché de 17 % par son extrême simplicité d'usage : un bouton rouge et un port USB intégrés, un logiciel compatible avec tous les ordinateurs.

Applications à l'accès immédiat

En 2010, les systèmes d'exploitation des ordinateurs vantent moins leurs performances techniques que leur interface simplifiée. Lancé cet automne, Windows 7, le tout dernier système d'exploitation de Microsoft, connaît un réel succès commercial quand Vista, son prédécesseur, avait connu un mauvais accueil. La raison ? Il se positionne comme l'antidote de Windows Vista : simple d'usage, convivial, plus rapide au démarrage, moins gourmand en énergie et facilitant la mise en réseau...

Chrome OS, le système d'exploitation que s'apprête à lancer Google, promet aussi rapidité, sécurité et simplicité. "Ce qui nous intéresse, ce sont vraiment les besoins de l'utilisateur", explique Sergey Brin, cofondateur de Google. Chrome OS doit fonctionner aussi simplement que la télévision en direct : on l'allume et on se retrouve dans l'application. La quête de simplicité vaut également sur les marchés professionnels. Comme l'explique Nicolas Beuvaden, créateur de Sinteo, un cabinet de conseil en énergie et maîtrise du carbone dans le bâtiment, "en business to business, plus c'est technique, plus le besoin de simplification est fort".


Centrifugeuse Philips, un best-seller grâce à sa simplification

Philips cultive l'innovation, mais pas au détriment de l'usage. Longtemps on a mené une course folle à la technique pour la technique, reconnaît Pascale Dubouis, directrice marketing France. L'innovation hier se faisait par de la technique au détriment de l'interface et du confort d'utilisation." Il y a huit ans, pour y remédier et remettre à plat la marque hollandaise, le groupe d'électronique embauche Andrea Ragnetti, un ex de Procter & Gamble, au top niveau. La nouvelle mission que se donne Philips est d'améliorer la vie des gens en apportant des innovations pleines de sens et de simplicité. "Sense and simplicity" devient même la signature de la marque.

Faire simple, c'est du travail

Les équipes marketing de Philips ont dû longtemps observer le consommateur dans son intimité pour voir comment il s'éclairait ou repassait... afin de lui proposer le petit électroménager qui peut lui simplifier la vie. En France, par exemple, Philips a repensé la centrifugeuse. Jugé compliqué dans tous les tests consommateurs, ce produit dormait dans les placards et ne se vendait plus. "En facilitant son fonctionnement, nous avons doublé le marché français des ventes de centrifugeuses : 15,9 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2009."

Magui, l'ordinateur qui ne fait pas peur aux personnes âgées

On a simplifié à l'extrême l'informatique pour le public des maisons de retraite." A Nîmes, Simplistay, la jeune société créée par Fabrice Guiraud, conçoit des ordinateurs et logiciels pour publics spécifiques, comme les personnes très âgées, atteintes d'Alzheimer ou de Parkinson. "Les grands-parents entendent leurs petits-enfants parler d'e-mails, de partage de photos... Seulement voilà, l'informatique leur fait peur. Ou ils en ont de mauvais souvenirs."

Magui, l'ordinateur pour personnes âgées, a été conçu avec les aînés eux-mêmes et des professionnels de santé. Il ne comporte ni clavier, ni souris, ni unité centrale. Son utilisation se fait donc intuitivement, en touchant un des quatres grands pavés numériques de couleur vive sur un écran tactile grand format. "On a intégré une synthèse vocale qui peut lire tout ce qui est à l'écran, les courriels envoyés par les proches ou les menus et le programme d'animation de la maison de retraite...", explique Fabrice Guiraud. Il a fallu deux ans de recherche et développement (de 2005 à 2007) pour concevoir ce produit.


Source : L'entreprise