Simplifiez pour vendre plus

Une offre claire et lisible, un produit ou un service facile d'accès et d'usage... La simplicité pourrait bien être l'argument commercial 2010. Elle permet de se distinguer des concurrents, elle rassure dans un monde complexe. Et, grâce à elle, l'entreprise peut prétendre accéder à un marché plus vaste, voire universel. Alors, pour vendre plus, simplifiez la vie de vos clients !

Keep It Simple, Stupid (Kiss) !" disent les Anglo-Saxons. "Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple", affirme le proverbe. "68 % des Français trouvent les produits trop sophistiqués et ne correspondant pas à leurs besoins", pointe Valérie Accary, présidente du groupe de publicité CLM-BBDO France. Pas de doute, la simplicité a la cote en ce moment auprès des consommateurs et des clients.

Pour des raisons matérielles et conjoncturelles d'abord. "Le consommateur simplifie ses besoins et ses achats pour réduire la note", relève Sophie Bertin, du cabinet Innovacorp, dans sa dernière étude "Le saut de la ménagère".Sous peine d'être zappés au profit de produits de marques de distributeur ou du hard discount, tous les produits de grande consommation, après des décennies de surenchère en termes d'innovation marketing, livrent une version essentielle, basique de leur gamme. Procter & Gamble a lancé Pampers Simply Dry : 40 couches pour 10 euros, avec une promesse unique - l'absorption - et un prix clair.

Le lessivier Henkel met sur le marché X-Tra Total, une lessive d'entrée de gamme repensée à travers le prisme de la simplicité, dans une logique multi-usage. "Une seule lessive adaptée à tous les textiles, de toutes les couleurs, et efficace à toutes températures", clame la publicité.

A y regarder de plus près, cette recherche de simplicité rejoint un mouvement plus profond que la préoccupation, très actuelle, qui consiste à se serrer la ceinture. "Depuis six ou sept ans, le comportement des consommateurs change", note Pascale Dubouis, directrice marketing chez Philips France. "Eduqués, surinformés, les gens sont saturés de produits. Ils souhaitent une bonne qualité, un bon prix, une bonne durée de vie..."

Pour Sophie Romet, directrice générale de l'agence de design Dragon Rouge, "la simplicité va de pair avec le mouvement du "less is more", qui prône une économie de moyens. Nous le relions à la tendance de fond que sont les préoccupations environnementales et de santé". Le consommateur recherche des articles plus basiques, moins industriels, moins transformés, plus rustiques, plus authentiques et porteurs de sens.

Dans l'alimentaire, les petites marques issues de la mouvance du bio et de la naturalité (Innocent en Angleterre, Michel & Agustin en France...) cultivent à l'extrême ces produits simples ("les fruits tout nus" chez Innocent), sans additifs chimiques et sans composition incompréhensible figurant au dos du paquet. Modèle précurseur : la marque Bonne Maman (du groupe familial Andros) avec sa célèbre confiture, mais aussi ses desserts traditionnels issus de recettes classiques (crème brûlée, mousse au chocolat...) vendus au rayon frais, qui permettent à son actionnaire de tailler des croupières au géant Nestlé.

Vive la gamme courte

"Le pur produit marketing ne rencontre pas les faveurs du consommateur en ce moment, constate également Christophe Bordin chez Ferrero, dont les ventes de Nutella n'ont pas connu la crise en 2009. Notre produit est toujours le même, avec une recette unique, authentique. Il est commercialisé en deux ou trois conditionnements au maximum. Nous ne démultiplions pas les offres comme certains de nos concurrents. Nous avons toujours eu une gamme courte."

La boîte bleue fait son come-back. Cet hiver, Nivea claironne "Rien que de la crème". Créé en 1911, le soin hydratant Nivea (groupe familial Beiersdorf) reste un best-seller : un produit devenu culte car simple, pas cher, multi-usage et familial. A l'exact opposé, le yaourt cosmétique Essensis est en passe de devenir un cas d'école en matière d'échec marketing. Lancé par Danone avant la crise, il a fait un flop retentissant : le produit était antinomique avec les messages de naturalité et cher, de surcroît. "Un yaourt qui vous rend beau mais qui est gras ? Le prix en vaut-il la peine ?

Quelle valeur ajoutée contient-il réellement ? Autant acheter un complément alimentaire, c'est plus simple !" pointe Danielle Rapoport, directrice de DRC, cabinet de conseil spécialisé dans l'étude des modes de vie et de consommation.

Fini le dogme du "plus cher, plus innovant"

Dans ce retour vers une plus grande sobriété, on ne peut pas encore parler de cure d'austérité. Ce qui est sûr, c'est que l'hyperchoix ou la surenchère en termes de fonctions, pour des produits toujours plus chers, lassent le consommateur. Même L'Oréal revient sur le dogme de la cherté dans l'innovation marketing - plus c'est cher et plus c'est efficace - et propose des produits non pas moins bons, mais plus accessibles. Car trop de choix complique la prise de décision : le supermarché de proximité ou l'enseigne de hard discount offrent moins de références qu'un hyper, et c'est justement ce petit nombre de références, bien sélectionnées, qui rend service aujourd'hui ! "Consommer, c'est du boulot ! S'informer, c'est une dépense matérielle et cognitive, observe Danielle Rapoport. Toute offre simple qui permet de clarifier, de dépenser et de gaspiller moins de temps, d'énergie et d'argent a le vent en poupe."

Mais attention ! La simplicité n'est pas réductible au low-cost. "Il faut donner l'essentiel pour moins cher et non moins pour moins cher. Il s'agit de repenser toute la chaîne de production, distribution et consommation, mais en excluant une logique de low-cost", prévient Raphaël Palti, PDG du cabinet Altavia.

Pour cultiver la simplicité et répondre aux besoins des clients, les entreprises devront donc se garder de deux écueils : la sophistication gratuite (ou incomprise) et le simplisme.


3 questions à Danielle Rapoport, directrice de DRC
" Le consommateur a besoin de simplicité
pour accéder à la modernité "


La notion de simplicité revient en force. Pourquoi ?

C'est d'abord une réaction à la complexité du monde actuel et à sa profusion d'innovations. Le consommateur veut pouvoir accéder à celles-ci sous peine d'être exclu de la modernité. Les marques doivent donc le lui permettre, en rendant l'usage des produits plus ergonomique, fonctionnel... Le consommateur est aussi en quête de simplicité en réaction à la surabondance, au surchoix des années précédentes. La simplicité rejoint ici l'essentiel. Cela me permet de retrouver le sens des choses et d'échapper à la gadgétisation.

La crise a-t-elle déclenché cette quête ?

Non, mais elle transforme le monde. Les changements induisent des peurs. Le consommateur éprouvele besoin de se simplifier la vie encore plus, de se construire de nouveaux repères. Il préfère des offres claires, immédiates, pour lesquelles il ne se posera pas trop de questions.

Simplicité n'est pas synonyme de low-cost ?

Ah, non ! Le low-cost, c'est la simplification du choix à l'extrême par le petit nombre de références. C'est du simplisme. C'est une dérive.

Source : L'entreprise